WALTER TROUT: Alive in Amsterdam (2016)

Walter Trout revient de loin, tout le monde le sait maintenant. Depuis sa greffe du foie, sa sortie de l’hôpital et la réalisation d’un nouvel album (« Battle scars » paru en 2015) bien des choses se sont passées. Il a décroché deux récompenses lors des Blues Music Awards à Memphis (album blues-rock de l’année et chanson de l’année avec « Gonna Live Again ») et il a repris le chemin de la scène. Il n’a rien perdu de son jeu fabuleux comme en témoigne ce magnifique disque live capté lors d’un show à Amsterdam. Un petit résumé comme si vous y étiez. Sa femme Marie le présente au public qui applaudit sans retenue. Walter remercie tout le monde pour cette ovation et se lance, seul à la guitare, dans une improvisation hargneuse (« Play The Guitar »). Puis il enchaîne avec « Help Me », un blues chaud comme la braise à la rythmique proche de « Green Onions ». Un solo d’orgue calme un peu le jeu mais Walter rallume la mèche en envoyant un solo incendiaire qui distille tous les plans du blues. Il termine sur un délire de guitare qui ferait pâlir de jalousie les apprentis Van Halen. Ça fait mal !

Walter enchaîne avec « I’m Back » de Luther Allison, peut-être de façon plus nerveuse. Il annonce qu’il s’agit d’une chanson à message, il hurle « I’m Back ! » et le public gueule comme un seul homme. Le morceau dépote méchamment. Le solo déboule à cent à l’heure mais les plans guitare ne sont jamais répétitifs. Bien sûr, les influences transparaissent (Stevie Ray Vaughan, Jeff Healey) mais Walter les enrobe de son style personnel et inventif. Dès le début de « Say Goodbye To The Blues » (un blues lent en mode mineur), la six-cordes refile des frissons. Walter dédie ce titre à BB King et raconte une anecdote. Il l’a rencontré à l’âge de 16 ans et lui a demandé un autographe. BB King le lui a signé puis a discuté avec lui… près d’une heure ! Bien plus tard, il a eu le privilège de devenir son ami. Walter se lance alors dans un solo magistral mais difficile à qualifier avec des mots. La technique et le feeling sont au rendez-vous mais le terme le plus adéquat serait « passion ». La passion de jouer ! On a du mal à se remettre d’une telle prestation. Ensuite, Walter puise dans le répertoire de son dernier album mais ces morceaux prennent une toute autre dimension en live. Sur « Almost Gone », un blues-rock au tempo médium, il envoie un solo « hendrixien ». Le solo d’« Omaha » (une chanson inspirée par son séjour à l’hôpital d’Omaha, Nebraska) est tranchant comme un rasoir à main.John Trout, le fils de Walter, vient donner de la gratte sur le blues-rock costaud « Tomorrow Seems So Far Away ». On réalise tout de suite que le paternel n’a pas élevé un manchot. « Playin’ Hideaway » cartonne à mort avec une guitare travaillée au scalpel et Walter fait chanter le public sur la fin. « Haunted By The Night » nous offre une excellente six-cordes enrobée d’un effet phasing et « Fly Away » tape un peu dans le registre du « classic rock » avec un solo torturé et tout en feeling. Un guitariste acoustique vient renforcer la superbe ballade « Please Take Me Home ». Au programme, un solo mélodique beau à pleurer et un final époustouflant. Walter ne joue pas seulement avec ses doigts mais aussi avec son âme ! « Rock Me Baby » (de BB King) permet au père et à son fils de jammer ensemble sur un instrumental offrant de beaux dialogues de guitare qui se rejoignent pour un final à la tierce. On termine sur une démonstration du fiston. Les amateurs de six-cordes brûlantes seront ravis. Le superbe slow instrumental « Marie’s Mood » voit la guitare de Walter déborder d’invention mais aussi d’émotion. En écoutant ce titre, on ne peut s’empêcher de penser à la gratte géniale de Rusty Burns sur « My Soul Cries Out ». Walter fait une reprise killer de « Serve Me Right To Suffer » de John Lee Hooker. Sa guitare suit ses lignes de chant (un peu à la Jimi Hendrix), hurle et crache une déferlante de notes inspirées. Un solo de batterie vient s’ajouter à la fête. Walter présente ses musiciens et termine avec la splendide ballade « The Love That We Once Knew » et son solo ahurissant de maturité et de musicalité. De nouveau, il fait chanter le public puis sa guitare reprend ses lamentations émouvantes. Une conclusion à la Dickey Betts, malheureusement shuntée à la fin (peut-être en raison d’un manque de place), achève ce show d’anthologie. Oui, Walter Trout revient de loin. Et il le sait ! Il joue avec émotion, feeling, technique, passion et surtout avec rage. La rage de jouer ! Un disque à ne manquer sous aucun prétexte. Mais si Walter passe à côté de chez vous, ne le manquez pas non plus.

The Guitar Man is back !

Olivier Aubry